Personne n'ignore les effets néfastes de la junk-food sur la santé. Mais une nouvelle étude menée par un chercheur britannique et son fils ajoute une nouvelle ligne à la liste déjà bien fournie des méfaits du régime fast-food : les dégâts causés à la flore intestinale.
Il convient avant toute chose de rappeler ce qu'est la flore intestinale (ou microbiote intestinal). Contrairement à ce que son nom indique, celle-ci regroupe tous les micro-organismes présents non-pas dans les seuls intestins mais dans tout le tube digestif (estomac, intestins... ). Même si le terme évoque dans l'inconscient collectif certaines bactéries nocives comme l'escherichia coli ou celles responsables de la salmonellose, la flore intestinale est dans son immense majorité composée de micro-organismes non seulement inoffensifs mais surtout indispensables à l'équilibre de l'organisme et à la digestion. La « bonne santé » de la flore intestinale, dépend donc principalement de la quantité et de la diversité des micro-organismes présents dans notre tube digestif.
C'est principalement sur ce dernier point que le professeur Spector a souhaité vérifier les effets de la junk-food. Si l'inversion des régimes alimentaires entre les zoulous du parc de Kwazulu-Natal et les amateurs de McDonald's de Pittsburgh avait amené des changements drastiques dans leurs flores intestinales respectives, le même phénomène serait-il observé chez un européen au régime « standard » qui se convertirait subitement à un régime « junk food » intensif ?
Pour le savoir, le professeur Spector a mis à contribution son fils Tom, étudiant en génétique à l'université d'Aberystwyth et lui a payé dix jours de repas au McDonalds où il pouvait choisir entre nuggets et hamburgers accompagnés par un verre de coca et des frites. Pour le soir, le jeune homme avait également le droit à des bières et des chips. Si dans un premier temps, le régime ne semble pas particulièrement contraignant, au bout de trois jours, Tom Spector commence à se sentir moins bien et ses amis lui trouvent « un teint grisâtre ». Après une semaine, le régime devient difficile à supporter et c'est avec plaisir que Tom se jette sur une corbeille de fruits à la fin de l'expérience alors qu'il n'en raffole pas particulièrement en temps normal. L'analyse des échantillons de selles récoltées avant, pendant et après l'expérience est effectuée par trois laboratoires différents qui en arrivent tous à la même conclusion : les dix jours de McDonald's intensif chez le jeune homme ont conduit à une variation spectaculaire de la diversité de sa flore intestinale.
Les bactéries de type « Bacteroidetes » étaient devenues majoritaires en lieu et place des bactéries de type « Firmicutes » alors que celles de type « Bifidobacterium » (le fameux « bifidus » des yaourts, entre autres) avaient vu leur population baisser de moitié alors même qu'elles interviennent dans la prévention des inflammations et plus généralement sont essentielles dans le bon équilibre du microbiote intestinal. En tout, ce sont pas moins de 40 % des espèces de bactéries présentes avant l'expérience dans le tube digestif de Tom qui avaient tout bonnement disparu après les 10 jours de McDonalds. Il lui faudra pas moins de deux semaines pour revenir à l'équilibre.
La nocivité d'un régime composé exclusivement de McDonald's ne surprendra évidemment pas grand monde. Mais l'expérience du professeur Spector et de son fils apporte un nouvel éclairage sur les effets de la junk-food sur l'organisme en prouvant non seulement la baisse de variété au sein de la flore intestinale mais également l'étendue et la vitesse alarmantes de celle-ci après seulement dix jours de fast food intensif. Dans « Super Size Me », le réalisateur avait constaté une prise de poids de 11 kilos et l'apparition de graves problèmes au foie à la suite de son régime junk food. Il est probable que la « déforestation intestinale » mise en évidence par cette nouvelle expérience soit liée à ces symptômes, même si l'étude ne permet pas de savoir si elle en serait alors la cause ou la conséquence. Quoi qu'il en soit, la chute de la diversité au sein de la flore intestinale est un indicateur notoire de mauvaise santé et l'étude sur des souris de laboratoire a déjà prouvé un lien de causalité avec l'apparition d'inflammations et de graves problèmes immunitaires. Autant de raisons qui devraient vous pousser à reconsidérer l'idée de vous nourrir exclusivement de frites et de hamburger pour les jours à venir. Mais en aviez-vous vraiment besoin ?
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